L'infirmière d'Hitler par Mandy ROBOTHAM
- Mamz'Elle Pipelette
- 11 oct. 2020
- 3 min de lecture

Voilà un livre que j'ai ouvert avec beaucoup d'appréhensions.
Le pitch: "Dans le camp de concentration où elle officie comme sage femme, aucune atrocité n'est épargnée à Anke. Dans des conditions impossibles, elle est obligée de mettre au monde des bébés immédiatement arrachés à leurs mères.
Quand les SS viennent la chercher sur les ordres directs du "Bureau de Führer", Anke craint le pire. Mais elle est conduite dans une luxueuse maison, loin des horreurs de la guerre. Dans le plus grand secret, elle vient d'être recrutée pour mettre au monde le futur bébé d'Eva Braun et d'Adolf Hitler.
Ecartelée entre son devoir médical et sa haine du régime, la jeune femme vit dans la peur. Elle tombe pourtant amoureuse d'un jeune officier qui travaille là...Mais dans l'enfer de la guerre, alors que la survie est un combat quotidien, peut-on croire en l'avenir?"
Nous rencontrons donc Anke, le personnage principal du livre alors qu'elle est enfermée dans un camp de concentration, non juive mais prisonnière tout de même. Nous ne connaissons rien de son histoire qui nous sera dévoilée par bride au fil de l'histoire.
Le 1er chapitre est une immersion instantanée dans toute l'horreur de l'époque.
Anke est une sage femme d'une grande compétence, l'auteur, elle même sage femme, ponctue son récit de détails sur sa pratique. On aborde alors la grossesse et l'accouchement d'une manière intime et naturelle mais dans une version réelle et non idéalisée. Anke est la sage femme qui porte parfaitement son nom "sage" "femme". Celle que nous rêvons toutes de rencontrer et comme elle le fait dans le roman, qui nous protégera de toutes la blancheur aveuglante d'une hyper médicalisation pas toujours nécessaire. Dans cet aspect du roman on peut donc faire le lien avec le sujet sous jacent du livre : l'humanité. Car dans sa nouvelle fonction totalement ubuesque pour notre héroïne, exemple même du sentiment d'humanité par son empathie et sa bienveillance, Anke devra chercher continuellement à se positionner face aux personnes qui l'entourent. Cet état d'esprit est parfaitement illustré quand, après un accouchement d'une proche de Magda Goebbels, Anke se dit "« Elle avait beau être mariée à un nazi, c'était un être humain malgré tout. »
Cette histoire est donc une fiction et comme tous récits qui prennent des libertés avec la réalité j'ai eu peur de trop grandes distorsions.
On sent très vite qu'Anke est la représentation vivante du mot bienveillance, j'appréhendais énormément comment l'auteur allait aborder la relation avec Eva Braun. Je craignais une vision manichéenne où elle serait racontée comme une victime, victime d'être amoureuse d'un homme inhumain, mais blanchie de ce qu'elle acceptait (ou pas) des actions de ce régime. En résumé j'avais peur qu'Eva soit présentée comme une pauvre écervelée qui mérite entièrement notre compassion. Mais Mandy Robotham est plus forte qu'une version binaire de l'être humain, tant quand elle parle d'Eva que lorsqu'elle nous livre la vision d'Anke. Et c'est pour cette raison que L'infirmière d'Hitler est un roman que je vous conseille de lire. Un petit bémol sur la traduction, j'aurai vraiment préférée retrouver le titre original "L'infirmière Allemande", beaucoup plus cohérent avec l'histoire. Anke est une infirmière sage femme en 1944, qui est appelé à une fonction qu'elle ne peut refuser mais qu'elle assumera avec tout l'amour de son travail. Elle restera fidèle à ses convictions tout le long du livre, fidèle à l'essence même de sa nature, c'est une sage femme en 1944... Comme disait le grand Jean Jacques " Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt..."
Voici un extrait qui résume ce qu'est Anke et ce sur quoi se bâtit tout le récit :
Anke vient d'apprendre le décès d'un de ses proches, emprisonner comme elle dans un camp, elle refuse de se laisser anéantir par cette mort "c'est une sorte de soulagement pour lui aussi, je ne supportais pas de le savoir là bas".
Son interlocuteur lui répond qu'elle est extraordinaire et qu'il ne pense pas avoir cette capacité à pardonner.
" Ces mots me firent grincer des dents.
- tout cela n'a rien à voir avec le pardon. Au contraire. Mais je ne peux pas me permettre de souffrir plus à cause de ... cette salve de haine. Si je laissais la haine m'envahir comme elle les a envahis, eux, ils gagneront la partie, et ça; ils n'y parviendront jamais".
à l'heure du procès des attentats de 2015, ces mots sont, hier comme aujourd'hui douloureusement d'actualité.
Comments